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Visite d'un spécialiste de l'approche programme/approche par compétences à l'UCA
Les enseignants de l’UFR Odontologie de Clermont-Ferrand ont fait leur rentrée ce mercredi 29 août 2018. A cette occasion, ils ont participé à une journée de travail sur les compétences du chirurgien-dentiste, animée par François Georges, Directeur Adjoint du Labset de l’Université de Liège. Nous lui avons posé quelques questions.
Comment définiriez-vous l’Approche Programme (AP) / Approche par Compétences (APC) en quelques mots ?
L'Approche Programme consiste à repenser l'organisation d'un enseignement en équipe pour servir un profil de sortie particulier de l'étudiant. L'Approche Par Compétences est une façon de définir ce profil de sortie. La compétence est de l'ordre d'un savoir agir professionnel extrêmement complexe qui, pour se développer, va devoir prendre appui sur quantité de ressources (des connaissances, savoir-faire, attitudes professionnelles, etc.). Ces ressources sont internes ou externes. Les ressources internes sont celles intégrées par la personne au cours de ses formations et de ses expériences. Elles constituent une bibliothèque interne ou encore une carte conceptuelle avec laquelle la personne compétente aborde la réalité. Les ressources externes sont celles que cette même personne, qui ne peut tout maîtriser, va chercher auprès d’un tiers. Il n'y a pas de compétence sans situation. Il faut être mis en contexte pour développer sa compétence. Le référentiel de compétences, pour des formations professionnalisantes, peut être relativement facile à concevoir, mais il ne faut pas sous-estimer le temps nécessaire aux personnes pour s’en imprégner, pour prendre conscience et accepter que sa traduction dans un programme va nécessiter une véritable révolution. L’Approche Par Compétence nécessite de s’affranchir d'un mode d'apprentissage traditionnel qui propose d’accumuler des connaissances avant de les mobiliser. Elle invite à agir pour apprendre, et ce, dès la première année. Le fait de développer des compétences dès la première année va engendrer des changements assez massifs dans l'organisation des enseignements. Les enseignants pourraient avoir peur de perdre leurs cours, de changer leur approche de l’enseignement, de l'apprentissage et de l'évaluation.
D’après vous, quels sont les enjeux de l’APC dans l’enseignement supérieur ?
L'Europe invite à définir les programmes de formation en lien avec des compétences notamment pour faciliter la mobilité des étudiants. Plusieurs états européens ont décidé de suivre cette recommandation. Au-delà de cet enjeu plutôt administratif, il y a aussi un enjeu pédagogique. L’APC est une occasion d'améliorer l’apprentissage, de mieux le servir. Les différentes recherches montrent que, quand on plonge les étudiants dans des situations authentiques, ils sont davantage engagés dans leurs études. L'apprentissage qu'ils vont réaliser dans ce contexte va s'inscrire dans le temps. Une fois dans leur vie professionnelle, ils seront mieux à même de le mobiliser. Un autre enjeu mis en exergue par la sociologie est que cet entraînement des personnes à être confrontées à des situations complexes est susceptible de leur permettre de mieux appréhender l'incertitude qui caractérise notre société.
Que diriez-vous à des équipes qui souhaitent se lancer dans une AP/APC ?
Bon courage ! Il faut vraiment oser se lancer dans cette démarche. C'est une approche relativement neuve même si cela fait quelques années que des personnes conçoivent des référentiels de compétences. Il y a, en tous cas en Europe, relativement peu d'équipes qui ont traduit de manière cohérente leur référentiel de compétences dans un programme. De ce fait, cette approche est encore insuffisamment documentée et elle pourrait légitimement faire peur. Mais il faut se lancer et accepter que l'on va errer, que cela va prendre du temps. Il convient idéalement de demander le soutien de l'institution pour disposer des moyens nécessaires pour se lancer dans ce type de démarche. Il importe surtout que l’équipe partage une même vision de l’apprentissage, de la compétence, du programme et s'entende sur les valeurs qu'elle souhaite développer à travers cette réforme.
Vous avez dit « la compétence ça s’apprécie, ça ne se mesure pas » Pouvez-vous développer cette idée ? Qu’entendez-vous par là ?
Depuis les années 50, nous sommes obsédés par le souci de proposer des évaluations non critiquables. En conséquence, nous nous sommes retranchés dans l’évaluation de performances simples qui sont les seules à se prêter parfaitement à des évaluations objectives et standardisées. La compétence comme toute performance complexe ne se laisse pas enfermer dans la standardisation. Par définition, les performances complexes ouvrent sur des démarches et des résultats variés. Il faut donc inventer d’autres modalités d’évaluation nourries d’une grande variété de données tout en acceptant qu’il nous est impossible de tout montrer de la compétence. En écoutant la personne, en la voyant fonctionner, on va être convaincu qu’elle est effectivement compétente. Ce n’est pas une addition d’éléments, c’est une vue globale sur son fonctionnement qui va nous dire si elle est compétente. Nous allons donc plutôt parler d’appréciation que de mesure. Quelque part, nous y sommes déjà entraînés à travers des évaluations complexes comme les mémoires, les travaux de fin d’études, les doctorats, etc. À travers ces travaux complexes, nous n’accumulons pas une série de points, mais nous nous construisons une vision globale de la compétence de la personne en lisant ses productions écrites, en la voyant fonctionner in situ. Donc on apprécie, on ne mesure pas. Pour limiter les effets négatifs de la subjectivité de l’évaluateur, nous travaillons avec un jury. Nous allons croiser les regards de plusieurs personnes. Cela fait plus de 15 ans que, dans mon équipe, nous évaluons des personnes sur base de portfolios. Systématiquement, il y a une personne qui, pour un même cursus, évalue tous les portfolios pour avoir un regard transversal et assurer une certaine équité. Un autre enseignant et un expert externe complètent ce regard. Le portfolio est constitué par l’étudiant. C’est un document dans lequel il rassemble une série d’éléments significatifs du développement de sa compétence dans des situations variées. Au moment de la soutenance, le jury a l’occasion d’interroger l’étudiant pour s’assurer que c’est bel et bien lui qui a mis en œuvre cette compétence et pour lui demander des compléments d’information. Et en général, il y a une assez grande uniformité dans les appréciations portées par les différents membres du jury.
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